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mains jointes ! Et tout cela, aperçu parmi la houle des têtes, distingué à travers un paquet de fumée comme un fond de mer artificiel à travers la vitre brouillassée d’un aquarium souterrain, faisait naître en leur esprit l’idée d’un capharnaüm de bric-à-brac, où on eût vendu de tout, même de la chair humaine. Ils achevèrent de s’épanouir lorsque Derouet, les poings aux hanches, annonça qu’il allait chanter : À Courcelles.

Immédiatement, un silence imposant se fit.

Il semblait, quand Derouet chantait, que sa clientèle communiât. À Courcelles était la dernière production de ce cabaretier poète. Coulée dans le même moule où, depuis quelques mois, il en avait coulé tant d’autres, elle avait déjà fait son chemin, émigré de l’autre côté de l’eau, jusqu’en les équivoques sous-sols des brasseries de la rue Monsieur-le-Prince. Aussi bien ne le cédait-elle à ses aînées en saveur ni en pittoresque, écrite avec la même fougue, la même crapulerie voulue, non exempte d’art, qui avaient fait le succès d’À Javel, d’À Charonne, d’À la Santé.

À Courcelles ! répéta Derouet, le bâton plongé en la poche. Et vous autres, tas de cochons, tâchez de brailler en mesure !