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Et je dis que dans notre temps cette seconde forme du comique nous affecte spécialement. Les hommes ont pris conscience de leur moi avec excès. La simple idée qu’on pourrait attribuer à un objet ou à une bête les habitudes personnelles de l’âme humaine leur apparaît grotesque. Courteline nous a montré le capitaine Hurluret, qui menace de se changer en moulin à café ou en saladier ; et Lahrier promet à Soupe d’opérer sur lui une vague métamorphose du même genre. Les personnages des Mille et une Nuits craignaient ces choses, qui se produisaient volontiers à une époque où la personnalité de l’homme n’avait pas été violemment séparée des objets par Kant. Aujourd’hui le moi glorieux se moque de cette vaine parodie.

Fréquemment on trouvait autrefois, dans les asiles, des fous accroupis, qui se croyaient pots d’argile et d’autres qui, s’imaginant fromages de Cordoue, vous offraient, le couteau à la main, une tranche de leur mollet ; d’autres encore, qui fumaient comme des théières, moussaient comme des bouteilles de Champagne, se pliaient