Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Gosse !… Tu te figures que je plaisante ?

Gabrielle avoua qu’en effet elle l’en croyait bien capable, et tandis qu’il se récriait, se disculpait hautement du péché de malice, elle avait de petites moues entendues, le geste discret de ses doigts ramenait à de justes proportions les affirmations bruyantes de l’employé s’exténuant à répéter :

— À rien ! À rien du tout, je te jure !

L’idée de tant d’encre perdue, de tant de beau papier noirci en pure perte, dépassait sa compréhension ; ses instincts de petite bourgeoise bien ordonnée s’insurgeaient, et criaient en elle : « Ce n’est pas vrai ! »

Elle demanda :

— Enfin quoi ? Tu ne me feras pas croire qu’on vous paie uniquement pour que vous vous tourniez les pouces ?

— Plût à Dieu ! riposta le jeune homme qui greffa sur ce point de départ un pittoresque démontage du mécanisme administratif.

Il avait, quand il s’y mettait, la verve facile et féroce.

Cinq minutes, il ne tarit pas ; la présence de son amie éveillant en lui des coquetteries de jeune coq qui parade devant la poulette favorite.