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dans toute sa hauteur, il raclait ses jambes velues et empoissées de savon noir, ses genoux cabossés en flancs de vieille casserole et que les replis de la culotte coiffaient d’un double turban.

À la vue de Lahrier, il changea de couleur :

— Vous !… Comment, c’est vous !… à c’t’heure-ci !…

Tel était son ébahissement qu’il en restait plié en deux, les mains entrées jusqu’aux poignets dans l’eau nuageuse de son bain.

— Eh ben ! vrai, alors, c’est du propre ! déclara Lahrier qui fit halte sur place ; voilà maintenant que vous vous lavez les pieds ici ! Est-ce que vous perdez la tête ? Vous ne pouviez pas choisir un autre endroit pour y aller faire vos ordures ?

— Mes ordures ! dit Soupe ; mes ordures !

— Oui, vos ordures ! C’est ragoûtant, peut-être, ce que vous faites là ! et puis j’irai me laver les mains là-dedans, moi, après ? Que diable, on s’enferme chez soi quand on veut se mettre la crasse à l’air, et vous n’êtes pas chez vous, ici.

Soupe, humilié, se rebiffa :

— Je vous demande pardon, j’y suis.

— Je vous demande pardon également, vous n’y êtes pas.