Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’imaginerais volontiers que la lointaine postérité ne retiendra, au milieu des décombres littéraires de notre temps, que deux ou trois excellentes plaisanteries. On ne retrouve plus sur les rives de l’Eurotas cette lourde et lugubre monnaie de fer dont les Lacédémoniens se servaient pesamment. Leurs dieux ont disparu, et il devait y en avoir de fort célèbres. Sans doute, les offrandes que les Doriens firent au dieu Rire étaient payées avec ces pièces graves. Semblablement de quelle grosse monnaie de romans aurons-nous acheté les petits livres qui émergeront peut-être de notre océan de papier noirci. Quand les dieux septentrionaux se seront écroulés, quelques milliers d’années après les dieux de Grèce et d’Italie, on ne retirera même pas de nos ruines le socle du dieu Rire et il faudra s’en aller en Chine pour admirer l’idole en bois de la Miséricorde.