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Direction et n’en parcourt plus les couloirs qu’en criant : « Une ! Deux ! » à tue-tête, sous prétexte de développer ses pectoraux et de faciliter leur jeu, ce qui est une cause incessante de désordre.

J’ajoute qu’il devient inquiétant, que journellement, en son bureau, il mêle à ses divagations les noms de ses supérieurs hiérarchiques, et qu’après avoir, hier, chez moi, signé d’une main fiévreuse la feuille d’émargement, il m’a presque jeté au visage la plume dont il venait de se servir, faisant suivre cette voie de fait de cette déclaration incompréhensible :

Je tremble, monsieur Bourdon, je tremble… mais ce n’est pas de peur, c’est d’indignation !

Cette situation, Monsieur et cher collègue, ne saurait subsister sans de graves inconvénients. Des intérêts moraux et pécuniaires en souffrent, et il y a lieu d’y mettre fin, soit en faisant donner à M. Letondu un congé pour raison de santé, soit en sollicitant du Conseil d’État sa mise à la retraite proportionnelle. Vous n’hésiterez pas, j’en demeure convaincu, à agir au plus tôt dans ce sens. Pour moi, je suis déterminé à sauvegarder désormais la lourde responsabilité qui m’incombe et les fonds confiés à mes soins, fonds assez modiques, vous le savez, et que certains services — je ne songe à attaquer ici les prodigalités de qui que ce soit en parti-