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ependant, disposait le jeu par la molesquine du tapis, l’arrondissait en l’élégante courbe d’un plein cintre triomphal. Quand ce fut fait, elle s’absorba, le menton au creux de la main et l’œil promené en éventail, sybille[1] sur le point d’écumer, qui va lever le voile redoutable et livrer au monde haletant la clé du problème de demain.

— Ça ne vaut rien, hein ? demanda Cozal inquiété de son long mutisme.

Elle répondit, les yeux aux cartes :

— Au contraire !

Alors :

— Bonne fille ! pensa-t-il.

Et attentif, il inclina le buste vers elle, tandis qu’elle, le doigt renversé, dans un geste de cuisinière qui s’apprête à goûter une sauce, prophétisait :

— Un, deux, trois ; une femme brune !

— Un, deux, trois ; un homme blond !

— Un, deux, trois ; un homme de loi ! — Un, deux, trois ; une lettre ! — Un, deux, trois ; une route ! — Un, deux, trois ; à la nuit ! — Un, deux, trois ; une bonne nouvelle !

— C’est bien ce que je pensais, conclut-elle. Vous serez sûrement pardonné.

À ces mots, avide d’espérance, Cozal sentit bondir son cœur.

— Vous êtes gentille de me dire cela, cria-t-il. Vous le faites pour me consoler, parce que vous voyez que j’ai de la peine ! Ah ! femmes, on dira ce qu’on voudra, on ne vous empêchera jamais d’être des êtres de douceur, de tendresse et de charité !

Victoria, dans un pâle sourire, reconnut qu’elle était un être de sentiment. D’instinct, ils se prirent les doig

  1. Orthographe erronée, mais qui se retrouve sous la plume des plus grands écrivains, Anatole France, Stendhal, Huysmans, pour n’en citer que quelques-uns. (Note du correcteur – ELG.)