quand on en a eu une, et que l’homme est une sotte bête, qui passe sa vie à la gâcher !… Avoir employé sa jeunesse à chercher des mains où la mettre ; s’être dit : « J’ai une âme en or, je la garde pour la plus digne » ; avoir eu la chance fabuleuse de mettre le doigt sur la perle et n’avoir eu de cesse qu’on ne l’ait laissé perdre !… Ah ! misère !… Ah ! si j’avais su !… Ah ! si j’avais pu supposer !… Bien sûr, non, je n’aurais pas couché avec l’apprentie blanchisseuse !… Mais voilà : je croyais n’être jamais pincé ; j’espérais pouvoir jouir de voluptés qui m’étaient agréables, sans qu’eussent à les payer de leurs larmes les yeux qui me sont plus chers que tout !… L’âme humaine est abjecte, vue de près ; elle est pareille à ces ruisselets glissant en puretés de cristal sur des lits de vase pestiférée où grouillent d’immondes animaux ! Marthe, mon cœur et mon seul bien ! Ce petit jardin est, comme moi-même, plein de votre souvenir embaumé ! Voici la pelouse où tant de fois nous nous aimâmes au grand soleil, pour la plus grande confusion des pâquerettes et des boutons d’or ! Voici le rosier où, un jour, je cueillis une rose entr’ouverte que je baisai sur votre bouche, en vain attardé à chercher laquelle des deux parfumait l’autre !… Hélas ! que mon cœur a de peine ! et ne nous reverrons-nous jamais ?
Ainsi parlait Robert Cozal, l’âme martelée de repentirs, quand l’idée lui vint tout à coup que l’entrée de Mme Brimborion, au premier acte de sa pièce, était complètement ratée, et que le mal venait de là.
Une vision l’illumina : l’aperçu de son héroïne débarquant du coche de Poitiers, dans la cour d’arrivée de la rue du Bouloi.
La scène se présentait à son esprit, toute faite.