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La plainte d’une porte qu’on pousse, le cri de la femme que frappe au cœur le coup de couteau de la trahison, et Marthe se sauve, éperdue, folle, tandis que, dans le pavillon, Cozal crie : « Ne t’en va pas !… Je vais t’expliquer ! » et qu’Anita la blanchisseuse, pour n’y avoir vu que du feu, demande : « Quoi qu’c’est qui vous prend ? C’est-y que vous êtes maboul ? »

V

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Enfin, vers cinq heures du matin, Cozal, qui pouvait sans se gêner courir deux lièvres à la fois et qu’avait tenu éveillé toute la nuit le chagrin d’avoir perdu Marthe, mêlé à l’agacement de ne pouvoir trouver le clou ingénieux et hardi, le je-ne-sais-quoi qu’il sentait nécessaire à l’éclat de son 1er acte, perdit brusquement patience. Il cria : « Zut ! », sauta de son lit, las de s’y retourner d’un flanc sur l’autre ; et, passant son pantalon de toile, il s’en fut au jardin voir le réveil des fleurs.

L’aube naissait, en impressionnismes délicatement roses et verts ; et l’énorme bouquet de feuillages qu’était la Villa Bon-Abri, ses massifs indécis encore, ses hauts ormeaux aux cimes touffues, — villes légères et balancées, où vivent, aiment, chantent et meurent les petits oiseaux par milliers, — était un cadre tout indiqué aux rêveries mélancoliques de ce jeune homme sentimental. Il ne manqua en aucune façon de les y loger, et elles furent là comme dans leurs meubles.

Le front baissé, la cigarette aux lèvres, les pieds nus dans des espadrilles :

— Combien il est dur, songeait-il, de n’avoir plus de maîtresse