cette justice qu’il faut vraiment aimer les gens pour payer d’une telle gymnastique le plaisir de les embrasser à la volée, un baiser ci, un baiser là, « Bonjour ; bonsoir ; je t’aime ; je me sauve », et de s’en retourner dare-dare, crainte que le mari rentré trop tôt ne demande, étonné, à Louise : « Où donc Madame est-elle allée ? »
— Ouf ! fait-elle.
Hein, c’est haut, la Butte ? Elle est un peu dure, la côte ?
Qu’importe ! Une douce espérance encourage cette amoureuse ; l’idée de le surprendre au lit, lui, flagrant délit de lâche paresse ; de baiser son profond sommeil, et de jeter ensuite, gaîment, à sa confusion ébouriffée, le rire qui se moque et qui adore. La bonne surprise ! et quelle joie de jouer aux êtres chéris des tours à ce point abominables ! Toute au plaisir qu’elle se promet, Marthe, sans même s’en être aperçue, a gravi de hauts escaliers aux marches vermoulues et disjointes ; alors, stupéfaite :
— Déjà !
Sans doute.
À présent, devant elle, c’est la Villa Bon-Abri qui embaume comme un bouquet et dont gardent l’entrée, sentinelles paisibles, un Némorin de plâtre, manchot, et une Estelle aux yeux de limande énamourée, l’un le coude au manche de la bêche, l’autre les doigts à la jupe, en dame qui découvre ses chevilles avant de danser le menuet.
Marthe pénètre.
L’allée commune de la Villa s’allonge sous ses pieds et fuit.
À droite, à gauche, derrière l’aubépine des haies enguirlandées de volubilis, ce sont de petits jardinets d’une nia