Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

Là-dessus, ayant terminé, Frédéric Hamiet dit :

— Voilà.

Autour de la planchette de bois qui le maintenait grand déployé, comme une hampe son drapeau, il emmaillota le journal dont il venait de se servir.

— Hein ? fit-il à ses auditeurs d’une voix où s’épanouissait la légitime fierté de soi-même ! Voilà qui est nouveau et bien fait ! et je crois que ça y est un peu, cette affaire-là !

— Eh eh ! dit simplement Cozal, gardant une prudente réserve.

Mais Marthe :

— Tu te moques de nous, je pense ?

Hamiet s’étonna :

— Qui ? Moi ? Non.

— Non ? reprit Marthe. Ainsi, c’est gravement, c’est sans rire, que tu viens demander notre avis ? Tu ne vois pas que cela est grotesque ? d’une bouffonnerie à faire hurler ?

Elle s’emportait, révoltée dans son instinctive droiture, dans la logique rationnelle de ses vues un peu terre à terre ; heureuse aussi de l’occasion qui s’offrait de livrer l’homme qu’elle n’aimait pas à la moquerie de celui qu’elle aimait. Et quand elle eut déversé tout son fiel, s’écriant : « Tu ne vois pas qu’un article pareil serait du jour au lendemain l’effondrement du journal qui aurait eu la folie de l’insérer ? », Hamiet parut frappé tout de même.

— Tu crois ? fit-il. Au fait, tu as peut-être raison.

Puis, pleinement désintéressé, en grand seigneur qui a le moyen de jeter l’argent par les fenêtres :

— Ça m’est bien égal, du reste ; ce ne sont par les idées qui me manquent.