la fin d’une phrase récalcitrante, quand il distingua tout à coup, parmi une houle confuse d’autres chapeaux et d’autres jupes, une jupe noire parsemée de pois blancs bien connue et un chapeau non moins connu, de paille blonde où se hérissaient, pareillement en un champ de blé mûr, des bleuets et des coquelicots.
Il pensa si haut : « Mais c’est Marthe !… » qu’un monsieur, assis non loin de là, en avala son vermouth de travers. Un moment le soupçon lui vint d’une de ces aberrations de l’œil, propres aux gens que persécute la hantise d’une idée fixe, qui font retrouver vingt fois par jour sur des visages inconnus les traits du mort bien-aimé descendu au tombeau la veille. Mais non, point de chimères, c’était Marthe ; et, auprès d’elle, un de ces hommes dont le visage, la tournure, la démarche, la manière de porter le chapeau sur l’oreille et le pardessus clair sur le bras, sont comme une souriante action de grâce rendue au Seigneur Notre Dieu, pour l’immense bonté qu’il a eue de les faire venir au monde.
Cette apparition inattendue le jeta au violent soubresaut d’un monsieur qui reçoit une gifle. Le sang lui afflua au cœur, et sur ses joues décolorées la haine pointa et s’élargit en jaunes boueux de macadam. Une révolte, une révolte telle qu’il fut obligé de mordre à même afin de ne pas la crier, l’exaspéra brusquement contre ce voleur de maîtresse, contre Elle aussi, venue se placer sur son chemin, tout exprès, avec cette rage où elles sont toutes, sitôt qu’elles ont pris un amant, de le faire voir à leurs maris.
Tout de suite il arrêta une ligne de conduite : se montrer à l’égard d’Hamiet inconvenant d’abord, puis grossier ; l’amener à une parole de trop et la relever d’une paire de claques :