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large pour eux-mêmes, et si ses propres trahisons lui semblaient d’anodins flirtages, en revanche il traquait de criminels mystères en toute heure de la vie de Marthe, dont celle-ci n’eût pu établir l’emploi aussitôt que questionnée. Le spectre du mari – un mari de fantaisie, toujours par monts et par vaux, et que l’installation d’une entreprise gigantesque promenait depuis deux mois à travers la province – mettait une bande d’orage à l’horizon de son ciel.

Or, comme il poussait la barrière qui fermait son petit jardin, son étonnement fut extrême de voir Marthe qui l’attendait.

Marthe ?

On était mardi, pourtant.

Tout de suite il flaira une tuile. Marthe, de son côté, s’était levée, et ils marchèrent l’un à l’autre.

— Comment, c’est toi ?

Marthe répondit :

— Oui, mon chat, et avec une mauvaise nouvelle. Frédéric arrive aujourd’hui.

Ceci l’abasourdit au point qu’il en demeura pétrifié.

— Qui ça, donc ? Qui ça, Frédéric ?

Il comprit, enfin.

Le mari !…

— Oh ! fit-il.

C’est tout ce qu’il trouva. Le bleu du ciel, le vert des feuilles, la pourpre d’un cordon de géraniums qui flambaient ardents au soleil, dansaient devant ses yeux hagards. Marthe gardait un demi-sourire embarrassé. Elle risquait : « Voyons, calme-toi », quand il lui ferma la bouche durement, d’un seul mot :

— Assez !