II
Depuis que la clémence céleste, sous la forme d’une rencontre chez une connaissance commune, l’avait jeté aux bras de Marthe Hamiet (ceci remontait à un mois), Robert Cozal vivait comme en un rêve. Parvenu jusqu’à vingt-cinq ans sans avoir eu d’autres amours que les maigres amours bohèmes à base de coups de caprice et de camaraderies complaisantes, il était de ces êtres tout jets auxquels rien ne saurait apparaître qu’avec le grossissement outré et fugitif d’une projection lumineuse.
La tombée, dans son existence, d’une maîtresse qui en était une réellement, ayant à ses yeux adultes le charme ineffable de l’aînesse et le prestige de la femme mariée, avait déterminé chez lui une floraison de sentimentalité spontanée dont rien, jusqu’alors, n’eût fait soupçonner le germe.
Elle !… Tout, pour lui, se résumait là, maintenant. Volontiers il eût déjeuné de ses sourires, dîné du parfum de ses gants, de ses cheveux ou de sa voilette. Il avait, à la contempler, des regards où riaient les puériles convoitises d’un bébé qui reçoit ses étrennes ; à l’effleurer, des mains craintives d’antiquaire pour le bibelot précieux et rare dont la perte serait un deuil irréparable. Et ses câlineries cent fois douces, ses grâces délicates et mignardes, qu’autorisaient son air