l’embrassai une dernière fois avec toute la conviction que j’y pus mettre et où nous prîmes rendez-vous pour le lendemain.
Ce même lendemain, comme je flânais sur le boulevard, quelqu’un m’emprisonna les coudes par derrière et hurla de façon à ameuter la foule :
— Tiens, tu es donc sorti de Mazas !
Et à cette fine plaisanterie, sentant d’une lieue son Laurianne, je n’eus pas besoin de me retourner pour répondre en toute assurance :
— Comment vas-tu, espèce d’imbécile ?
Nous causâmes ; il avait passé son bras sous le mien, et nous marchions doucement, côte à côte ; Laurianne, retour de la campagne, était gai comme un pinson, et il me narra en détails tous les plaisirs de sa journée.
Je répondis :
— Allons, tant mieux ; comme ça, nous ne nous serons ennuyés ni l’un ni l’autre.
Je n’avais pas sans un petit battement de cœur lâché cette déclaration ; mais Laurianne n’y vit que du feu.
— Ah ! fit-il curieusement, qu’est-ce que tu as fait ?
— J’ai fait, dis-je, ce que tu m’avais conseillé de faire.
— Moi ?
Il s’était arrêté net, et il attachait sur le mien un œil rond et stupéfait de poule qui a trouvé vingt sous.
— Je ne sais pas ce que tu veux me dire ! je ne t’ai rien conseillé du tout !
Je repris :
— Mais si, mon vieux ! tu sais bien, à propos d’Angèle ?
— D’Angèle ?
— Eh oui, parbleu, d’Angèle ! Voyons, rappelle-toi donc,