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à payer dix francs un court spectacle quand ils peuvent en avoir un long pour le même prix.

Sur quoi, comme il était écrit que rien ne resterait intact de ses arguments de naguère, il envisagea la question sous un angle différent et démontra clair comme le jour l’inanité de la légende faisant succomber le théâtre sous la rivalité écrasante du caf’ conc’, du music-hall, du cinéma. Il établit, chiffres en mains, – chiffres copiés aux livres mêmes de la Société des Auteurs – la régularité des recettes à suivre une marche ascendante d’autant plus affirmée que s’affirmait davantage la concurrence des établissements à côté !… – curieuse anomalie, relevant en apparence du prodige et du fantastique !… explicable pourtant, bien simplement, mon Dieu ! par la raison que les temps nouveaux apportent les lois nouvelles et que, le besoin ayant créé l’organe pendant des temps immémoriaux, c’était l’organe, aujourd’hui, qui devançait et créait le besoin ! D’où il tirait cette conclusion que la multiplication des établissements à côté devait logiquement, fatalement, multiplier la clientèle des théâtres réguliers, comme multiplie la clientèle des taxis et des autobus la multiplication des réseaux du métro !

Aussi bien n’insistait-il pas, touchant les destinées, écrites en lettres de feu, du pauvre Théâtre de Dix-Heures.

— Ce que je vous en dis, vous savez, c’est en tout bien tout honneur ! Je ne demande qu’à être dans mon tort !… Seulement…

(et il avait le rire narquois où s’abrite le quant-à-soi des convictions qui veulent bien pousser la bonne grâce jusqu’à ne pas y mettre d’entêtement)

— … seulement vous verrez ce que je vous dis !