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noms, « Claude Terrasse et Hirchmann », avait déterminé ce miracle ! à la seule pensée que le talent de ces messieurs pouvait être opposé au sien, ce fou, ce maniaque, ce malade, cet halluciné, ce pauvre homme, pour la première fois de sa vie, goûtait la douceur de rire !… Et l’imprévu de ce dénouement entre-bâilla sur l’apaisement une porte que se hâta de pousser l’humeur conciliante d’Hamiet, sa tendance naturelle à déposer les armes et à triompher sans rudesse, pour peu que l’adversaire eût le bon goût de ne pas y mettre d’entêtement. L’attitude du compositeur lui demeurant inexpliquée, il l’interpréta aussitôt comme une capitulation, et, vainqueur bon enfant, il promit au vaincu toutes les satisfactions du monde, lui roua à son tour les épaules de tapes bourrues et amicales, disant que la route était belle, qu’il aurait le lendemain matin les capitaux nécessaires à l’exploitation de son théâtre, qu’ils seraient millionnaires tous les quatre, Hour, Cozal, Hélène et lui, avant seulement deux ou trois ans, et qu’on allait voir un petit peu s’il était, ou non, le pont d’Asnières !


VIII


Huit semaines se sont écoulées, mais depuis aujourd’hui seulement, sur la scène des Gaîtés-Modernes devenues Théâtre de Dix-Heures, la troupe n’en est plus réduite à hurler les répliques de Madame Brimborion dans l’épouvantable canonnade dont les étouffent les barbares charpentiers, casseurs de têtes et batteurs de ferraille, lâchés comme en pays conquis par le désastre effondré de la salle. À cette heure, tout est dit ou presque. Un coup de balai au plancher, un coup de brosse au drap des portières, un coup d’astiquage aux dorures,