cours duquel l’Onan de la fugue, le Narcisse du contrepoint, assouvissait enfin, et jusqu’à épuisement, sa passion effrénée de soi-même, hennissant, gloussant, jouissant, dans l’exaltation démente où l’envisagé de son génie avait pour effet de le jeter.
Insatiable de s’écouter, plein de rancune contre l’imbécile nature qui ne l’avait pourvu que d’un tympan par oreille, il tenait le piano impuissant à exprimer aussi pleinement qu’il eût été de rigueur le nonpareil de ses inspirations, si bien qu’il se donnait l’ivresse de les vociférer à tue-tête en même temps qu’il les arrachait aux sonorités de l’instrument. Il estimait que ses mélodies détenaient toujours au fond d’elles quelques splendeurs insoupçonnées, et il les pressurait comme des citrons pour en faire sortir le jus. Elles lui étaient ce que sont aux gamins ces chandelles romaines éteintes qu’ils s’entêtent à taper au pavé de la rue, avec l’espoir d’en voir jaillir tout à coup une dernière boule enflammée. Non content d’en avoir à la fois plein la bouche et plein les mains, il s’obstinait à en rendre la quintessence par des mimiques compliquées, exprimant tour à tour la crainte, la colère, la haine, la joie, la douleur. Aux forte, il plissait le front, ses sourcils descendaient lentement sur ses paupières ; ainsi, aux jours d’émeute, lentement, descendent devant les étalages les lourds rideaux de fer des boutiques. Aux con animato, son visage s’éclairait, ruisselait en mutineries de petit écolier dissipé qui va se faire mettre en retenue ; il se rembrunissait aux con furore, arborait les férocités des masques de guerriers japonais, narquoises et inexorables. Mais c’était surtout aux dolce, c’était aux con amoroso, que Stéphen Hour valait l’argent ! Ah ! il les fallait voir, alors, ses yeux d’exhibitionniste, chavirés, noyés de