oin et que saluerait certainement avec des pleurs de reconnaissance la masse des pauvres voyageurs qu’afflige la fâcheuse insomnie), il était, sans transition, tout à coup, à propos de rien, tombé en arrêt devant l’idée d’ouvrir en plein cœur de Paris, boulevard des Italiens ou place de l’Opéra, un café où on ne boirait pas.
Un café où on ne boirait pas !… Hamiet tenait tout entier dans cette conception insensée, mais qui n’aurait pas été de lui si elle n’eût été, comme toujours, échafaudée sur des données indiscutablement exactes. En fait, atteignant deux buts puisqu’elle contentait du même coup la sobriété non douteuse des habitués de cafés et cet impérieux besoin de flâne qui les porte à acheter sciemment, de leur intoxication, le plaisir, ceux-ci de jouer le bridge, ceux-là de voir passer le monde, confortablement assis, dans la gaieté d’un coup de soleil ; philanthropique et pratique en même temps, puisqu’elle sauvegardait à la fois la santé des consommateurs et l’intérêt des limonadiers désormais à l’abri du coulage, ce fléau ; non seulement elle créait un débouché nouveau au commerce parisien, mais encore elle enrayait net, arrêtait du jour au lendemain la marche envahissante de l’alcoolisme, et ainsi classait son auteur au rang des bienfaiteurs de l’humanité !
Qu’elle eût valu de gloire à Hamiet !…
Mais la fatalité veillait. Elle avait voulu que le susdit, au plus chaud de son emballement, entendit soudain sous son crâne le sourd grondement, indice d’une éruption prochaine ; et, dame, ça n’avait pas traîné. Avant seulement, comme dit l’autre, que c’eût été l’âge d’un cochon de lait, le cataclysme s’était déjà produit, laissant Hamiet, projeté hors de son rêve avec la brusquerie imprévue d’un bouchon de champagne qui saute, hurler maintenant d’enthousiasme à l’idée de fonder un