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seul, à l’abri des petites moqueries et des ricanements ironiques de la chambrée.

Le brave garçon, en effet, ne laissait pas que de se gober quelque peu ; il faisait fort grand cas de sa gracieuse personne et se fut très bien, comme on dit, passé la main dans les cheveux, si les exigences de la coiffure militaire ne fussent venues mettre bon ordre à cette manifestation de coquetterie intempestive. Doué d’instincts de petite maîtresse, qui contrastaient singulièrement, d’ailleurs, avec sa laideur de chenille, il usait de savons parfumés à l’héliotrope le plus pur et mettait de côté sur ses prêts pour s’offrir des flacons de Lubin, qu’il dissimulait soigneusement dans les coins obscurs de sa charge. C’était même une chose connue, qu’il avait quelque part, en ville, chez un ami, une complète tenue de fantaisie pour les jours de grandes permissions : un dolman de sous-officier dont il avait fait changer les galons et rétrécir le collet, ainsi qu’un pantalon de cheval, re-