Page:Courteline - Le Train de 8 h 47, 1890.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pluie ! voleur de temps ! Dire que v’là pus d’deux s’maines qu’on crève dans sa peau pour qu’au jour d’aujourd’hui que nous sommes en ballade, nous puissions même pas ficher un pied dehors ! Déveine va ! Quien, viens nous coucher !

Son exaspération le secouait encore, que déjà Croquebol, de tempérament philosophe, ronflait sur une banquette, étendu de son long, les deux mains sous la tête, en manière d’oreiller. Lui, allait et venait, ébranlait de ses semelles ferrées le calme assoupi de la salle que baignait d’une lueur incertaine le point bleuâtre d’un gaz baissé. Un autre gaz qui brûlait au dehors projetait nettement, en clair, sur le plancher, le losange allongé de la porte vitrée. La gare, ses voies nues, semblait morte, toutes portes closes, flambant étrangement à vide sous le rabat de ses deux marquises, ses toits perdus dans la nuit. Près du buffet, un cadran éclairé marquait la demie de dix heures. La Guillaumette rognait, jurait à demi-voix des sacré nom de Dieu