Champignon, exaspéré. — Encore !… Ah çà, nom de Dieu ! est-ce que ça va durer longtemps ?
Le Président. — Oh ! pardon ! Du calme, n’est-ce pas ?… où je vais vous retirer la parole.
Champignon. — Mais enfin, monsieur le Président, on n’a pas idée de ça, non plus !… Aller dire que je retire ma plainte, quand il n’y a pas un mot de vrai !
Le Président. — Vous la maintenez, alors ?
Champignon. — Comment, si je la maintiens ?… Des deux mains, les quat’ doigts et le pouce, tout simplement !… comme déshonoré par madame au point de ne plus pouvoir passer sous la porte Saint-Denis, et même sous l’arche de Noé !…
Désirée. — Ah ! c’est comme ça ? Eh bien, je dis tout !
Le Président. — Un instant. Reconnaissez-vous, d’abord, avoir trompé votre mari ?
Désirée. — Oui. Pour me venger. Il me battait.
Le Président. — Est-ce vrai, Champignon ?
Champignon. — Parfaitement !
Le Président. — Vous battiez votre femme ?
Champignon. — Tous les jours.
Le Président, estomaqué. — Mais vous n’en aviez pas le droit !
Champignon. — Pas le droit ?
Le Président. — Non.
Champignon. — Eh bien, elle est raide ! Je n’avais pas le droit de battre avec une canne à moi, dans mon domicile à moi, une femme à moi, qui me faisait des queues avec un cousin à moi ?
Le Président. — Je vous dis que non !
Champignon. — Drôle de justice !
Le Président. — Si vous n’en voulez pas, laissez-la. Ce n’est pas elle qui est allée vous chercher.
Canuche. — Parbleu !
Désirée. — Tu ne dis que des bêtises.
Champignon. — C’est des bêtises, peut-être, que tu es la fainéantise même, et que, depuis notre entrée en ménage, tu n’en aurais seulement pas fichu le quart d’une secousse ?
Désirée, s’excusant. — J’ai la vue basse.
Champignon, sévère, mais juste. — La vue basse ? Pas pour me déshonorer en tout cas.
Le Président. — Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Vous accusez madame du délit d’adultère, de complicité avec le sieur Canuche.
Canuche, qui se lève. — Ici présent.
Le Président. — Vous êtes Canuche ?