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Et l’angoisse en sueur glace mon front.Pourquoi
Diable, ai-je été cocufier cet iroquoi ?
S’il m’allait, de son plomb lancé d’une main sûre…
Dieux immortels, veillez !
Lyrique :
Dieux immortels, veillez ! Et quant à toi, Luxure,
Fruit de l’arbre du mal au jardin de Satan,
Sois maudite ! Ôte-toi de mon chemin ! Va-t’en !
École du péché qui nous as pour élèves,
Toi qui nous mets au cœur le fiel, aux mains les glaives,
Toi qui plombes les teints et cernes les yeux creux
Et qui fait s’éplumer les pauvres coqs entre eux,
Fuis, te dis-je ! Hâte-toi vers un autre rivage !
De mon cœur, où la peur exerce son ravage,
Fous le camp !
Longue et mélancolique rêverie
Fous le camp !Échanger six balles !… À vingt pas !!!
Brusque agacement.
Ah ! ça, ce principal témoin n’en finit pas !

Et le fait est qu’il n’en finit pas, ce témoin. Terriblement lent au gré du combattant Grenouillot, lequel, les nerfs sous pression, donnerait gros pour que l’honneur fût enfin proclamé satisfait, il s’obstine, depuis dix minutes, à bourrer, d’une même baguette, le canon d’un même pistolet. Pourquoi ? On n’en sait rien.