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II


Et à l’heure dite, je fus là. Le régisseur de la scène, que j’aperçus derrière un portant, et à qui je vins demander, le chapeau à la main, de vouloir bien m’indiquer ma loge, fixa et arrondit sur moi des yeux en gueule de tromblons. C’était un homme formidable, aux épaules de déménageur, au crâne taillé dans un pavé.

Comme il restait sans paroles, avec l’air de ne pas comprendre :

— Ma loge ?… répétai-je, ma loge ?… pour m’habiller !… C’est moi qui remplace Marbouillat dans le rôle du chevalier Hanneton.

Ah ! il comprit du coup !

J’eus un recul terrifié.

Les poings hauts, les mâchoires béantes, le personnage s’était brusquement rué sur moi, et sans que je pusse démêler, même d’une façon embryonnaire, le pourquoi de son emportement, il se mit à me couvrir d’injures, criant que je n’étais « qu’une saleté de figurant », demandant depuis quand « les poires » de mon espèce se permettaient de pénétrer sur le théâtre en