Page:Courteline - L'illustre Piégelé, 1904.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’INCENDIE


J’ai fait hier un rêve symbolique, dont je ne suis pas mécontent.

Voici ce rêve.

Sur un théâtre que je ne reconnaissais pas, je voyais jouer une comédie dont je ne comprenais pas un mot, encore qu’elle ne m’apparût pas comme dénuée de toute valeur. Simplement elle était obscure, d’une obscurité de tombeau à travers laquelle, par instant, passaient des souffles de vague grandeur qui me faisaient hocher la tête et penser en moi :

— C’est bien, ça !… Il y a du talent, là-dedans.

Tout à coup, derrière mon dos, un grand brouhaha, et des cris. Je regardai et je m’aperçus, avec cette sérénité que sait garder l’âme dans le rêve, que le feu avait pris à la salle. À cette heure une fumée épaisse l’emplissait, et, du balcon au poulailler, des des gens hurlaient éperdus, en proie à d’horribles angoisses. Ils disputaient entre eux et bataillaient les