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« Fils de Ganelon », je vous demanderai une seconde d’attention pour une petite affaire personnelle. Jusqu’à ce jour, je m’en étais tenu à remplir l’emploi, plutôt modeste, d’un messager sarrazin. — Ça consistait à saluer Charlemagne et à lui remettre une lettre avec toutes les marques de la considération la plus distinguée. Je m’en tirais assez gentiment, mais enfin, comme effet produit c’était plutôt limité. Or, Ledaim, qui remplit le petit rôle de Roland, s’étant trouvé indisposé, j’ai profité de la circonstance, pour faire un petit peu de chahut et j’ai obtenu de le remplacer au pied levé. — Je vais donc débuter tout à l’heure dans le rôle de Roland, — vingt lignes… dont je ne sais d’ailleurs pas la première syllabe. Oh ! mais là ! rien ! pas une broque ! Ce n’est pas de ma faute ; je n’ai pas de mémoire ! c’est même curieux pour un comédien — aucune mémoire. Sorti de : « Ah ! ah ! voici ma fidèle armée ! » je ne me rappelle pas un mot. (Philosophe.) Ah ! et puis qu’ça fait ? je prendrai du souffleur. (Au souffleur.) Tu entends, Courgougniou ? Ah ! zut ! Il n’y est pas ! En voilà un souffleur ! Quand il ne dort pas, il est chez le marchand de vin. — Je vous demanderai donc, Mesdames et Messieurs, de m’accorder toute votre indulgence, au cas où le manque de mémoire, joint à l’émotion inséparable d’un premier début…