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Ma conscience et moi ferions meilleur ménage
Si je n’avais joué d’un si sot personnage
Et si j’eusse rossé le pauvre genre humain
De moins de coups baillés au hasard de la main.
À mes yeux dessillés, chaque jour, se révèle
De quelque ancienne erreur quelque marque nouvelle.
En un second procès je m’étais engagé ;
Eh bien, depuis hier, le procès est jugé,
Et je dois confesser que, contre mon attente,
Ma cause a…

Philinte

Ma cause a…Triomphé ?

Alceste

Ma cause a…Triomphé ?De manière éclatante !

Philinte

Fort bien !

Alceste

Fort bien !Ainsi riposte avec grandeur la Loi,
Naguère, injustement prise au collet par moi.
Et Célimène, encor !… Doux, et tendre, et jeune être !
Que je restai longtemps malpropre à la connaître,
Et que l’égarement de mes transports jaloux
Fut dur à ses vingt ans traqués comme des loups !
De longs jours, de longs mois, marquant d’effronterie
L’innocent enjouement de son espièglerie,
Hargneux à sa jeunesse, aveugle à sa pudeur,
De mon lâche soupçon j’insultai sa candeur !
Avouez qu’elle eût pu, de quelques représailles
Avec quelques raisons gâter nos épousailles !
Il n’en fut rien, pourtant. Depuis que sur nos mains
L’amour serra les nœuds du plus doux des hymens,
Célimène, à mes vœux, souple et conciliante,
Reflet, à s’y tromper, des grâces d’Eliante,
Égayant ma maison, rassurant mon honneur,
En toute occasion fait paraître un grand cœur.
Oui, Philinte, au butor qui l’avait mal jugée,
Elle sourit, pardonne, et pense être vengée ;
De sa seule vertu triomphant noblement,
Et laissant aux remords le soin du châtiment !…

(Soupirant.)

Qu’il m’est cruel !

Philinte

Qu’il m’est cruel !Allons ! la vie est ainsi faite
Que chacun tranche un peu de son petit prophète,
Bloqué comme en les murs d’une étroite prison