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DES RILLETTES.

Je m’en rapporte à vous.

MADAME BOULINGRIN, à son mari.

Canaille !… Je n’en aurai pas le démenti ! — Buvez !

DES RILLETTES, menacé du verre de vin.

Non !

BOULINGRIN.

Goûtez ça !

DES RILLETTES, menacé d’une cuillerée de soupe.

Jamais !

MADAME BOULINGRIN.

Je vous promets que ça empeste !

BOULINGRIN.

Je vous jure que c’est du poison !

Ils se sont emparés de des Rillettes, et, de force, chacun d’eux avide d’avoir raison, ils lui ingurgitent du potage mélangé avec du vin, cependant que l’infortuné, les dents obstinément serrées, oppose une héroïque défense.
MADAME BOULINGRIN.

Est-il bête !

BOULINGRIN.

C’est curieux, cette
BOULINGRIN. — Je vous jure que c’est du poison.
obstination ! Puisque je vous dis que vous êtes fichu d’en claquer !

MADAME BOULINGRIN, à son mari.

Dis donc, quand tu auras fini de gaver M. des Rillettes !… Est-ce que tu le prends pour une volaille ?

BOULINGRIN.

Et toi, le prends-tu pour une éponge ?

MADAME BOULINGRIN.

Saleté !

BOULINGRIN.

Gueuse !

MADAME BOULINGRIN.

Peste !

BOULINGRIN.

Choléra !… Et puis, tiens !

De sa main lancée avec violence, il envoie à madame Boulingrin le contenu de son assiette.
DES RILLETTES, qui a tout reçu.

Oh !

BOULINGRIN, s’excusant.

Pardon ! simple inadvertance.

MADAME BOULINGRIN, folle de rage.

Goujat ! Ignoble personnage ! Tiens !

DES RILLETTES, ruisselant d’eau rougie.

Ah !

MADAME BOULINGRIN.

Excusez. C’est bien sans l’avoir fait exprès. Là-dessus, nous allons en finir. (Elle tire de sa poche un revolver.) C’est toi qui l’auras voulu.

BOULINGRIN, terrifié.

À moi ! Au secours !

Il se réfugie derrière des Rillettes.