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LA BRIGE. — Comment va ?

La scène se passe chez Lonjumel. — Ameublement sobre et sombre de petit avocat de province.

Au lever du rideau, Lonjumel est en scène, assis à sa table de travail et consultant ses dossiers.


Un domestique, sur le seuil de la porte.

M. La Brige demande si monsieur est visible.

Lonjumel.

Faites entrer M. La Brige. (Entre La Brige.) Ah ! Ah ! te voilà, malfaiteur ?

La Brige.

Comment va ?

Lonjumel.

Sais-tu que je me demande si je dois te donner la main. Tu deviens très compromettant.

La Brige.

Les rideaux sont baissés.

Lonjumel, souriant.

C’est vrai.

La Brige.

Et puis je viens te voir en client ; ça me donne droit à des égards.

Lonjumel.

Bah ! Encore une délicatesse avec les juges de ton pays ?

La Brige.

Ne m’en parle pas !

Lonjumel.

Je me disais, aussi !… Car il y a bien six mois que je n’ai lu ton nom dans la Gazette des Tribunaux ?

La Brige.

Il y en a sept tout rond puisque nous sommes en juin et que, pour la dernière fois, j’ai écopé en décembre. Oh ! un rien, d’ailleurs, une misère : huit jours d’emprisonnement, vingt-cinq francs d’amende et deux cents francs de dommages-intérêts, comme coupable d’avoir été traité de filou par un voleur de grands chemins. (Rires de Lonjumel.) Tu ris ? Je ne dis rien que je ne prouve. C’était le 5 novembre dernier, je sortais…

Lonjumel.

Assieds-toi.

La Brige.

Merci. (Il s’assied.) Je sortais…

Lonjumel, lui présentant une boîte de cigarettes.

Fumes-tu ?