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Lidoire.

Tu peux pas te déculotter ?

La Biscotte.

Non, mon ’ieux.

Lidoire.

Eh ben, y a du bon ! À c’ t’ heure ici faut cor’ que j’ me lève, moi, alorss ? (Faussement indigné.) T’ eun’ n’as pas le trac, tu sais bien. (Il saute du lit.) T’as d’ la veine d’êt’ un pays, va !

Il commence à déshabiller La Biscotte, lui enlève son manteau, puis son dolman. La Biscotte apparaît, pantalonné de rouge jusqu’aux tétons.
La Biscotte, pendant l’opération.

Mon ’ieux salaud… ’ai rud’ment rigolé, t’ sais… Y a un civil qui m’a mis une claque.

Lidoire.

Allons donc !

La Biscotte.

Oui, mon ’ieux… ; s’lai rencontré chez la mère Paquet, l’ civil… « Trompette, qu’y me dit comme ça…, s’ sais qu’est-ce que c’est… eq d’êt’ trompette… s’ l’ai été, moi, trompette, qu’y dit… » Bon Dieu, s’ suis t’y saoul !

Lidoire, ironique.

Mais non ! C’est des menteries.

La Biscotte.

C’est des menteries ?

Lidoire.

Quand ej’ te l’ dit. Mets tes fesses là, vieux farceur, que je t’enlève tes sous-pieds.

La Biscotte s’assied sur son lit, les jambes pendantes. Lidoire lui tire les bottes.
La Biscotte.

Pour t’en ervenir au civil… « Eh ben, mon ’ieux, comme s’y dis… t’as eun’ poire à êt’ trompette, toi, ’core ! Tu m’ fais marrer, quand tu viens raconter eq’ t’as été trompette… Trompette !! Pour êt’ trompette, mon ’ieux, faut savoir donner le coup de langue… C’est pas tout de faire « ta ta ta », il faut faire « ta da ga da ». C’est pas vrai !

Lidoire, qui attaque la culotte.

Si.

La Biscotte.

Bon, voilà le civil… qui me met une claque… C’est épatant, hein, ça ?

Lidoire, sans conviction.

Pour sûr, c’est épatant.

La Biscotte, menaçant

Mais j’y bourrerai l’ nez, moi, au civil… tu sais.

Lidoire.

C’est ça. Range-toi voir un peu, que je te fasse ta couverte.

Discours incohérents et inintelligibles de La Biscotte. On entend vaguement : « Saoul, bon Dieu !… Le civil… trompette, qu’y dit…, porté la main sur mon uniforme. » Lidoire, pendant ce temps, a désemprisonné le traversin, ouvert le lit, qu’il a creusé à grandes pesées.
Lidoire, qui empoigne La Biscotte et le couche.

Allons, oust ! Enl’vez l’ bœuf ! Au chenil ! À c’ t’heure ici, c’est-y à peu près comme tu veux ?

La Biscotte.

Des fois.

Lidoire.

En ce cas, ça va bien. Bonsouèr !

Nouveau silence. Sous les draps, qu’il s’est ramenés jusqu’au menton, les dents de Lidoire claquent avec un bruit de castagnettes.

La Biscotte.
La Biscotte, couché.

… r’ci, Lidouère… te r’mercie beaucoup… merci bien !…

(Silence systématique de Lidoire qui voudrait avoir la paix.)

T’ sais, mon