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ne pouvais pas le dire tout de suite ?

Potasse, malin.

Pour les renseigner, n’est-ce pas ?

Boubouroche.

Les renseigner !… Tu m’as l’air renseigné.

Potasse.

Mais…

Boubouroche.

Zut ! On ne joue pas la manille comme ça.

Potasse., choqué.

Je joue comme je peux.

Boubouroche.

Alors, laisse-moi conduire. C’est curieux, aussi, ce parti pris de vouloir, toujours et quand même, conduire la manille parlée !… Comme s’il était donné à tout le monde de conduire la manille parlée ! (Cependant Roth et Fouettard se font du bon sang en silence.) Tiens, regarde Roth et Fouettard !… Ils se fichent de toi : c’est flatteur !… Et ça nous coûte une levée.

Potasse.

Enfin, qu’est-ce que je fais ?

Boubouroche.

Des sottises !

Potasse.

Je te demande ce que je dois faire.

Boubouroche.

Me laisser conduire seul.

Potasse, agacé.

J’ai de la peine à me faire comprendre. Que dois-je mettre ?

Boubouroche.

Où ça ?

Potasse.

Sur le pli ?

Boubouroche, qui comprend enfin.

Ah, bon ! Mets une crotte de chien !

Potasse met une carte.
Fouettard, à Roth qu’il questionne.

Un cheval ?

Roth.

Un bœuf !… Un éléphant !

Fouettard joue, fait la levée, puis :
Fouettard, abattant sa dernière carte.

Et cœur !

Boubouroche, jouant.

Pour moi ! (Il ramasse ses levées et fait à demi-voix son compte.) Quatre et quatre huit et cinq treize. — Et cinq, dix-huit ; et un, dix-neuf ; et un, vingt. — Et cinq, vingt-cinq ; et quatre, vingt-neuf ; et six, trente-cinq. — Et un, trente-six ; et quatre, quarante… — Et seize, cinquante-six. — C’est bien cela. Vingt-deux pour nous ; marque, Potasse.

Potasse, marquant.

Vingt-deux pour les invités.

Roth.

À qui de faire ?

Boubouroche.

C’est à Fouettard. Où diable est mon tabac ?

Fouettard, qui l’avait mis dans sa poche, l’en retire.

Le voici. Simple distraction. Là-dessus il ramasse les cartes, les bat, et donne à couper.

Boubouroche, ramassant ses cartes au fur et à mesure
qu’elles lui sont distribuées :

C’est pour la paix que mon marteau travaille,
Loin des canons, je vis en liberté…

Fouettard, agacé et s’arrêtant de donner.

Ah ! non, tu nous rases, tu sais, avec ton Forgeron de la Paix !

Roth.

Pour sûr, tu nous rases !… Sans blague, vieux, ça ne te serait pas égal de chanter autre chose ?

Boubouroche.

Je chante ce que je sais.

Fouettard.

Vrai alors, tu as un répertoire restreint. (Il donne la retourne.) La dame. Deux pour nous.

Il marque.
Boubouroche, qui a étudié son jeu.

Causons peu mais causons bien. (À Potasse.) Comment es-tu de la maison ?

Potasse.

Ma part.

Boubouroche.

Par le roi ?

Potasse.

Oui.

Boubouroche.

Des coupes ?

Potasse.

Deux mille deux cent vingt-deux.

Boubouroche.

Attends… tu n’as pas de manille ?

Potasse.

Non ; mais j’ai les deux manillons noirs.

Boubouroche.

Qui est-ce qui te demande ça ?

Potasse, qui se justifie.

Tu me questionnes.

Boubouroche.

Ce n’est pas vrai.

Potasse.

Comment, ce n’est pas vrai !

Boubouroche.

Non.

Potasse.

Si.

Boubouroche.

Non. A-t-on idée