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SONNET[1]
composé à la gloire de deux
jeunes yeux amoureux
et dans lequel le poète
attaché à louanger comme il faut,
à célébrer comme il convient
leurs feux, leur mouvement, leur éclat,
leur lumière
renonce à trouver, — même dans le domaine
du chimérique,
une image digne de leur être opposée.
  (Il lit.)

« Ce ne sont pas des yeux, ce sont plutôt des dieux,
« Ayant dessus les rois la puissance absolue.
« Des dieux ?… Des cieux, plutôt, par leur couleur de nue
« Et leur mouvement prompt comme celui des cieux.

« Des cieux ?… Non !… Deux soleils nous offusquant la vue
« De leurs rayons brillants clairement radieux !…
« Soleils ?… Non !… mais éclairs de puissance inconnue,
« Des foudres de l’amour, signes présagieux… »

Oronte, poursuivant.

« Car, s’ils étaient des dieux, feraient-ils tant de mal ?
« Si des cieux ? Ils auraient leur mouvement égal !
« Des soleils ?… Ne se peut ! Le soleil est unique.

« Des éclairs alors ?… Non !… Car ces yeux sont trop clairs !
« Toutefois je les nomme, afin que tout s’explique :
« Des yeux, des dieux, des cieux, des soleils, des éclairs ! »

Philinte

C’est grand comme la mer.

Alceste, à part.

C’est grand comme la mer.Et bête comme une oie,
Mais de ce malheureux pourquoi gâter la joie ?…
Qu’il soit grotesque en paix !

Oronte

Qu’il soit grotesque en paix !Eh bien, sur mon sonnet ?

Alceste

Franchement, il est bon à mettre au cabinet
De lecture.[2]

  1. Honorat Laugier de Porchères. Sonnet à la duchesse de Beaufort.
  2. Le mot est en avance d’un siècle, mais la parodie excuse l’anachronisme.