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Ennemi des vains mots, des discours superflus,
Des exordes lassants qui n’en finissent plus,
Et des péroraisons que leur pédanterie
Allonge de Paris jusqu’à La Queue-en-Brie,
Je viens à vous tout franc, et je vous dis :

(Lui tendant la main.)

Je viens à vous tout franc, et je vous dis :Voilà !
Pour la troisième fois, s’il vous plaît, touchez là.
Touchez !

Philinte, à part.

TouchezTouchant !

Alceste

TouchezTouchantTouchons ! Je touche ! Sans rancune ?

Oronte, très franc.

Sans arrière-pensée et sans aigreur aucune !

Alceste

Vrai ?… Les griefs d’hier ?… L’histoire du sonnet ?…
Et les sévérités prises sous mon bonnet ?…
Et ma mauvaise foi de parti pris butée
À la sotte chanson que je vous ai chantée ?…

Oronte, l’interrompant.

Point ! Elle est excellente et j’en ai beaucoup ri.
L’âme simple du peuple y parle au roi Henri !
Ah ! « Reprenez Paris ! » Ah ! « J’aime mieux ma mie ! »
Quant au sonnet, c’était une simple infamie,
Dont les tercets fâcheux et l’absurde huitain
Fleuraient à quinze pas leur petit Trissotin.
Ma verve, qui vous doit de s’être corrigée,
Reste donc, croyez-le, votre bien obligée.
Je fais d’ailleurs de vous un cas tel que j’entends
Vous en donner ici des gages éclatants.

(Alceste veut parler, mais déjà Oronte a tiré un papier de sa poche.)

Ce deuxième sonnet, par le fond, par la forme,
À votre poétique est de tous points conforme,
Et vos justes conseils dont j’ai su profiter
M’en ont dicté les vers faits pour vous contenter.
Comme il a trait aux yeux d’une mienne parente
Qui voulut bien pour moi se montrer tolérante,
J’ai cru de mon devoir d’y semer à foison
L’hyperbole, l’image et la comparaison.

(Il annonce.)