Page:Courteline - Boubouroche.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

côté en suinte à travers les murs, ni plus ni moins qu’à travers de simples gilets de flanelle. Depuis huit ans j’ai pour voisine de palier cette personne que, naïvement, vous ne craignez pas d’appeler votre « amie ». Depuis huit ans, invisible auditeur, je prends, à travers la cloison qui sépare nos deux logements, ma part de vos vicissitudes amoureuses… accompagnées de plusieurs autres. Depuis huit ans je vous entends aller et venir, rire causer, chanter le Forgeron de la Paix avec cette belle fausseté de voix qui est l’indice des consciences calmes, frotter le parquet, remonter la pendule et vous plaindre (non sans aigreur) de la cherté du poisson : car vous êtes homme de ménage et volontiers vous faites votre marché vous-même. C’est exact ?

— Rigoureusement, dut reconnaître Boubouroche.

Le vieillard eut un mince sourire, but un peu de bière et poursuivit :

— Depuis huit ans, je m’associe… — homo sum et cætera — à vos joies et à vos misères, compatissant à celles-ci et applaudissant à celles-là,