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mot dire, enfoncé dans mon coin, maussade, mécontent, malade de cette triste réaction des sens qui suit l’apaisement du désir. Pourtant, je ramenai Angèle jusqu’à sa porte, où je l’embrassai une dernière fois avec toute la conviction que j’y pus mettre et où nous prîmes rendez-vous pour le lendemain.

Ce même lendemain, comme je flânais sur le boulevard, quelqu’un m’emprisonna les coudes par derrière et hurla de façon à ameuter la foule :

— Tiens, tu es donc sorti de Poissy !

Et à cette fine plaisanterie, sentant d’une lieue son Laurianne, je n’eus pas besoin de me retourner pour répondre en toute assurance :

— Comment vas-tu, espèce d’imbécile ?

Nous causâmes ; il avait passé son bras sous le mien, et nous marchions doucement, côte à côte ; Laurianne, retour de la campagne, était gai comme un pinson, et il me narra en détails tous les plaisirs de sa journée.

Je répondis :

— Allons, tant mieux ; comme ça, nous ne nous serons ennuyés ni l’un ni l’autre.