Page:Courteline - Ah Jeunesse!, 1904.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En même temps, du fourneau de sa pipe tapée au bord de sa soucoupe, tombait un petit volcan de tabac qui se mit à chasser vers le ciel de lentes volutes bleu acier.

Tenez, reprit-il ; parmi mes souvenirs de gamin, il y en a un surtout… Ah ! Dieu ! C’est à le faire monter en épingle ! J’achevais ma rhétorique au lycée Condorcet, lequel, comme l’a dit de Napoléon l’excellent Joseph Prudhomme. n’était encore que Bonaparte. J’y avais pour voisin de banc un certain Robert Lécuyer, très gentil garçon, d’une cancre ris touchante, de qui le père, faiseur célèbre, dirigeait les Folies-Modernes, dans la rue du Faubourg-Saint-Denis : une façon de théâtrale où triomphait le vaudeville à couplets et la revue de fin d’année. Ne cherchez pas, jeunes gens ; vous n’avez pas connu. Je vous parle de trente ans, moi ; et vous sommeilliez encore au cœur du chou maternel, que le père Lécuyer était déjà au bagne pour banqueroute frauduleuse.

Quelle vieille pratique, ce père Lécuyer ! Quelle canaille !

Maître escroc, professeur de vol, forban notoire et menteur émérite, il menait une vie fantastique, qu’équilibrait tant bien que mal un pilotis enchevêtré de