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que, mon Dieu, je n’eusse eu que la peine de la prendre.

Mais qui saura jamais chanter en vers suffisamment pompeux les puretés du premier amour et ses humilités exquises ?

J’aimais Mlle Mariannet à la façon de ces vieux maniaques qui, volontiers, s’iraient tous les jours pâmer d’aise devant la vierge de Murillo et que l’idée de l’avoir à eux ferait sourire d’incrédulité. Le jour où je poussai l’audace jusqu’à l’appeler, « Marthe » tout court, je pensai que je la possédais, et j’eus un instant, devant les yeux, le voile embrouillassé du spasme.

En fait, mes espérances flottaient dans un halo, imprécises, informulables.

Elles pataugeaient en de vagues visions, d’une candeur à faire frémir : évocations de tête-à-tête à l’abri des regards indiscrets, suppositions de longues promenades sous l’ombre des forêts touffues, pleines de fraîcheurs et d’oiseaux ; tout le déchaînement de folles chimères qui font les jeunes gens idiots et par conséquent délicieux.

Mais surtout une idée fixe me hantait : l’inviter à déjeuner !