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II


Outre le double et étroit sentier gercé de périlleuses costières, qui enfermait la scène sur chacun de ses flancs, les coulisses du père Lécuyer se composaient d’un labyrinthe de couloirs zigzaguant en d’éternelles ombres, et du foyer des artistes, boyau en contre-haut de deux marches, dont un miroir déchiré de paraphes soulignait, en la reflétant, l’abominable malpropreté. Là, chaque soir, de neuf heures à minuit, se déversait le trop-plein des cintres : en corsages de gaze, en bras nus, en turbulences de gamines dissipées. Tout ce petit monde entrait, sortait, pépiait, voletait, esquissait des jetés, grimaçait à la glace, répondait de loin : « Et ta sœur ? » aux incessants « Noun dou Diou ! » d’un maître de ballet italien ; tandis que de toutes ces jambes — les unes aux troublantes ampleurs ; d’autres plus frêles, d’une telle gracilité, parfois, qu’elles étaient comme les pistils de vastes lys renversés — je tachais à garer de mon mieux mes jambes de potache craintif.