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Mme DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX



Depuis que Sainte-Beuve, il y a quelque cinquante ans, la révéla au grand public et la mit à sa place, à côté des plus grands noms de l’époque romantique, on a beaucoup écrit sur Marceline Desbordes-Valmore. On a conté plusieurs fois sa « vie douloureuse » ; on a exhumé d’elle un grand nombre de lettres, sans épuiser, d’ailleurs, la source de sa vaste correspondance. Chose curieuse, ses biographes n’ont presque pas parlé du séjour qu’elle fit à Bordeaux. Elle y habita pourtant assez longtemps : quatre années entières, d’avril 1823 à avril 1827[1]. Elle a beaucoup aimé Bordeaux, elle l’a beaucoup regretté. La place qu’elle lui a faite dans ses vers et dans ses lettres nous fait un devoir, à l’occasion du centenaire de sa venue dans notre ville, de préciser ce point de sa biographie.

S’il fallait en croire Marceline, les liens qui la rattachaient à Bordeaux remonteraient fort haut. Du côté paternel, elle affirmait être issue d’une famille protestante qui y habitait au xviie siècle. Chassée par la révocation de l’Édit de Nantes, cette famille se serait réfugiée à Genève, d’où elle était originaire[2]. Deux de ses membres, Jacques et Antoine Desbordes, qui étaient imprimeurs-libraires, allèrent se fixer en Hollande, à Amsterdam, où ils amassèrent une grande fortune en publiant des livres français. Ils éditèrent Rabelais, Malebranche, Voltaire. Mais, ce qui vaut surtout la peine d’être signalé ici, c’est de leur atelier que sortirent, en 1721, la première

  1. Dans une étude sur Mme Desbordes-Valmore à Lyon, M. Auguste Bléton a cru que Marceline et son mari étaient à Lyon le 16 mai 1821, ce qui supposerait qu’ils avaient quitté Bordeaux à cette date (Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1893, p. 7). MM. J. Boulenger (Marceline Desbordes-Valmore, 1909, p. 252) et Lucien Descaves (La Vie douloureuse de Marceline Desbordes-Valmore, 1911, p. 137) ont cru aussi à ce voyage à Lyon et à un retour à Bordeaux huit mois plus tard. En fait, les Valmore n’ont pas quitté Bordeaux. M. Eugène Vial, dans son récent travail sur Marceline Desbordes-Valmore à Lyon, a établi que le Valmore qui débuta à Lyon, le 16 mai 1824, était le beau-père, et non le mari de Marceline (La Connaissance, juin 1921, p. 448).
  2. C’est Hippolyte Valmore, le fils de Marceline, qui le dit, sans doute d’après sa mère. (Poésies, éd. Lemerre, t. II, p. 371, n.)