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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

En dépit de ces inconvénients, dont elle plaisantait d’ailleurs, Bordeaux restait la ville de ses rêves. Elle écrivait de Lyon, le 17 février 1835 :

Je veux que vous me donnez… un détail de tout Bordeaux, de Bordeaux, illuminé de soleil, pavé de sable blanc et d’huitres, et rose du reflet de son vin qui calme et anime l’esprit[1].

Et de Rouen, le 17 août 1832 :

N’ayez point d’effroi, pour vous, du fléau qui parait menacer Bordeaux. Il n’est vraiment dangereux que pour les intempérants et les trembleurs. Vos habitants et leurs maisons sont d’une propreté si ravissante qu’il n’ira pas s’y fourrer ; et l’air, mobilisé sans cesse par les mouvements de la mer, balayera cette affreuse haleine[2]

En décembre 1833, Valmore est de nouveau engagé à Lyon : « Je n’ai plus de sang au cœur, écrit-elle. Moi, je pleure Bordeaux : vous y êtes[3] ». Et le le : juillet 1839, encore de Lyon, à la nouvelle de deuils qui ont frappé Gergerès :

J’ai pleuré sur vos larmes… Bordeaux et ceux qui me l’ont rendu cher repassent si souvent devant mes yeux que j’ai appris ces morts précoces comme si j’avais vu, la veille, ceux si promptement disparus… Cette tristesse même m’attire et m’attirera encore plus puissamment à ce Bordeaux toujours si brillant, si mélancolique, si rêveur, si chantant, et tout à la fois si pieux et si sombre pour moi[4].

Ce qu’elle regrettait donc, ce n’était pas seulement les joies qu’elle avait eues à Bordeaux, c’était aussi les souvenirs douloureux qu’elle en avait emportés. Sans se lasser, elle ressasse à chaque lettre la même idée, « Votre Bordeaux m’a gâté toutes les autres villes, » écrit-elle le 11 février 1829[5]. Et le 16 mai :

Vous avez besoin de croire que tout Bordeaux me contentait. La propreté, l’élégance, le goût, toutes vos façons vives et bienveillantes, le peu d’amis que j’y ai laissés, tout cela me tient à la mémoire et forme un grand contraste avec ma vie actuelle… Dites à vos aimables sœurs

  1. Pougin, p. 209.
  2. Lettres inédites, p. 48.
  3. Ibid., p. 53.
  4. Ibid., p. 59-60.
  5. Ibid., p. 34.