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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

Ces vers étaient ceux qu’Antonin de Sigoyer avait publiés, le 7 mai 1820, dans la Ruche d’Aquitaine, au lendemain du jour où arrivèrent à Bordeaux les premiers exemplaires des Méditations.

Quand Marceline eut quitté Bordeaux, elle resta en relations avec Gergerès. Dans son livre sur La jeunesse de Mme Desbordes-Valmore, Pougin a publié quatre lettres à Gergerès ; M. Boyer d’Agen en a donné 57 dans son volume de Lettres inédites, parmi lesquelles se trouvent les sept, datées de Bordeaux, que j’ai déjà utilisées. Ce gros dossier provient des papiers de Gergerès conservés par Mme Descrambes et Mlle Claverie et communiqués à M. l’abbé Fraikin, qui a transcrit le texte de ces lettres d’après les originaux[1].

Ces relations, loin de se relâcher par l’éloignement, se resserrèrent avec les années. Le ton de ces lettres est tout à fait intime. Marceline appelle son correspondant « bon Gergerès », « mon bon Gergerès », « mon cher et bon Gergerès », « bon frère », « cher », « mon bon ami », « mon cher frère », « mon bon frère », « mon bon ami et frère », « cher ami et bon frère », « cher frère en poésie, en charité, en amitié pure ». Et quand on connait sa sincérité, ce ne sont pas là de vaines formules. Je ne sais si on en trouverait d’aussi significatives dans ses lettres à ses autres amis.

Cette correspondance, qui se poursuivit jusqu’à la fin de 1852, permet de suivre Marceline dans sa vie toujours errante. Un douloureux refrain y résonne presque à chaque page le regret d’avoir quitté Bordeaux et de n’y pouvoir revenir. Ce regret, qu’elle exprimait le 5 décembre 1827, dans sa lettre à Mme Géraud, elle le faisait entendre le même jour à Gergerès :

Adieu ! car, bien que je vous aime, vous n’êtes pas le seul qui m’attiriez par la pensée à ce charmant Bordeaux, où il ne manque que des bancs hospitaliers dans les promenades, des Savoyards ramoneurs surveillés par la ville, et de l’eau ! de l’eau ! de l’eau !… autre part que dans la rivière. Attendez, je vois cela, je crois, en latin : Onda ! Onda ! Onda ! Onda ! Onda ! Onda !… plus ou moins. Vous les arrangerez. Mais vos incendies glacent de terreur et d’étonnement, par le peu d’eau qui coule. Vous souvenez-vous de ce tapage d’artistes que nous fîmes, un soir, à vos oreilles, en criant : « Des bancs ! des Savoyards ! des pompes ! » Je mourais de fatigue[2].

  1. Boyer d’Agen, Lettres inédites, p. 7-9. — Une copie, due à Hippolyte Valmore, forme les 202 pages d’un des quatre volumes in-8o manuscrits, où le fils de Marceline a transcrit les lettres de sa mère (ibid., p. 18, n. 1).
  2. Lettres inédites, p. 28.