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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

La sensible Marceline était, on le voit, adversaire de la peine de mort. Elle n’eut jamais, d’ailleurs, d’idées arrêtées en matière de politique. Mais elle aimait la liberté et son âme tendre compatissait à toutes les infortunes. C’est à Bordeaux qu’elle publia, en février 1829, dans le Kaléidoscope, la pièce sur La première captivité de Béranger, envoyée de Lyon à Jacques Arago[1].

En septembre 1825, elle avait vu passer à Bordeaux le général Foy, qui revenait avec sa femme des eaux des Pyrénées. Il descendit à l’hôtel de France, rue Esprit-des-Lois. Il y reçut les hommages des libéraux bordelais, à qui il exprima ses regrets de la mort récente de Balguerie-Stuttenberg. Il visita incognito la ville. Mais sa présence ayant été connue, il fut l’objet, le 5 septembre, d’une manifestation organisée en son honneur par les musiciens amateurs de la Société du Muséum. Ils lui donnèrent le soir, après le spectacle, une sérénade et la foule cria : Vive le roi ! vive la Charle ! vive le général Foy ! tandis qu’on lui offrait une couronne de lauriers et d’immortelles. La police laissa faire. Le lendemain, mercredi 7 septembre, le général et sa famille s’embarquèrent sur le bateau à vapeur la Marie-Thérèse. La foule se pressait sur le quai. Le général gagna le bateau à pied et fut l’objet d’une ovation enthousiaste. Les musiciens amateurs, placés sur le pont, jouèrent, à son arrivée, Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille, tandis qu’on criait encore : Vive le général Foy ! L’ancre fut levée au son des symphonies « qui retentirent dans toute la rade et annoncèrent le départ du héros législateur[2] », Marceline se souvint de cette réception triomphale lorsque, à la mort du grand orateur, survenue le 25 novembre suivant, elle écrivit Un jour de deuil, où elle se représente disant à son petit garçon :

Vous l’avez vu passer sur un plus beau rivage :
De ses jours courageux prolongeant les hasards,
Il allait d’un ciel pur essayer les regards ;
Oh ! rappelez-vous bien les traits de son visage !
La pâleur de son front faisait déjà frémir
Tous les cœurs qu’à présent vous entendez gémir.
Sur ses pas chancelants quelle foule empressée !
Que d’amour ! Sa grande âme en était oppressée.
N’oubliez pas ce jour, le plus beau de nos jours ;
Nourrissez-en mes pleurs, et parlez-m’en toujours !

  1. Poésies, éd. Boulland, 1830, t. III, p. 195-202.
  2. Indicateur, 5, 6, 7 septembre 1825.