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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

vous pensiez qu’il y a quelque espoir fondé pour Valmore, ayez la bonté de le dire à mon père[1]

Le besoin d’argent fut, durant toute sa vie, l’angoisse perpétuelle de Marceline. En décembre 1825, elle reçut de Latouche une lettre qui devait, semble-t-il, lui mettre du baume au cœur. Mme Récamier l’avait désignée au duc Mathieu de Montmorency qui, récemment élu à l’Académie française, avait fait savoir qu’il voulait abandonner son traitement à un littérateur malheureux. Marceline refusa l’aumône dans une lettre très adroite à Mme Récamier[2]. On peut penser que l’opinion de son ami Arago ne fut pas étrangère à ce refus. Le directeur du Kaléidoscope avait tourné en ridicule dans sa revue l’élection académique du noble duc. Mme Récamier, d’ailleurs, ne se découragea pas : en janvier 1826, elle lui fit avoir une pension du roi Charles X[3]. Cette pension, dont le brevet mit un mois à lui parvenir, la rendit heureuse. « Me voilà riche ! » écrivait-elle à son oncle Constant et elle lui offrait une partie de l’argent qui lui tombait du ciel pour faire le voyage de Paris à Bordeaux, où elle songeait aussi à installer son beau-père :

Pourquoi ne voudriez-vous pas de mon argent pour ce voyage ? C’est bien joli de me retrancher quelque chose du plaisir qu’elle me causerait ? En avez-vous ? avez-vous une pension ? Si elle ne me sert pas à faire ce qui me charme le plus, je vous déclare que je la rends[4].

Il ne semble pas, du reste, que Constant Desbordes soit jamais venu à Bordeaux. Mais Valmore père y était en juillet 1824.

On sait que la grande ambition de Marceline fut, toute sa vie, d’assurer à son mari une situation digne de son talent, sur lequel elle se faisait les plus naïves illusions[5]. Son rêve était de le voir entrer aux Français : elle estimait que là seulement était sa place, et pour l’y voir elle se fût décidée à quitter Bordeaux. Mais, disait-elle, « on ne veut pas de nous à Paris[6] ». Au moment où elle faisait cette triste consta-

  1. Corresp. intime de Mme D.-V. publiée par B. Rivière (Paris, 1896, 2 vol. in 8o), t. I, p. 11-12.
  2. Pougin, p. 145. — Boulenger, p. 179-181.
  3. Pougin, p. 154. — Boulenger, p. 259. — Cf. aussi une lettre de jour de l’an de Marceline à Mme Récamier, datée de Bordeaux, 30 décembre 1826 (Lett. inéd., p. 338-339).
  4. Pougin, p. 147-153.
  5. Cf. sa lettre à son oncle, du 24 janvier 1825, citée par Boulenger, p. 252-253
  6. À Constant Desbordes, 21 juin 1826 (Pougin, p. 159-160).