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VII

Position de la main

En examinant le dessin que nous donnons ici fait par un grand maître d’après des mains bien posées sur le clavier, on observera que le pouce doit être en entier étendu sous l’index, et que non seulement aucune de ses phalanges ne doit produire d’angle saillant, mais qu’au contraire le pouce doit décrire dans son milieu une légère courbe rentrante, ce qui en fera gracieusement ressortir le bout en dehors de la main qui sera légèrement arrondie, mais point bombée comme dans la vieille methode. Les doigts ne décriront point au cercle, mais ils seront doucement allongés ; la seconde phalange seulement sera un peu arrondie, afin que ce soit la partie charnue du bout du doigt et non l’ongle qui pose sur la touche. Le cinquième doigt étant le moins long sera le plus étendu, puisqu’il lui faut non seulement atteindre à la longueur des autres, mais encore former avec le pouce le double point d’appui de la main.

Les deux mains doivent être assez enfoncées dans le clavier pour que les doigts se posent sur les touches noires sans déranger en rien la position de la main. Le poignet ne décrira de courbe ni convexe ni concave, et restera dans sa position naturelle qui, si l’on tirait une ligne horizontale appuyée sur les premières phalanges de la main, placerait le poignet six ou sept lignes plus bas que ces phalanges.

Du doigté

Le meilleur doigté est toujours celui qui conserve aux belles mains la grace que la nature leur a donné, et qui embellit les autres. C’est encore celui qui fait exécuter les difficultés avec le plus de facilité et le moins de mouvemens possible.

Plusieurs des doigtés que nous avons chiffrés pourront paraître étranges à des élèves inhabiles ; mais les grands professeurs remarqueront que tous nos doigtés sont calculés de manière à corriger les plus grands defauts de l’instrument ; le martelé, la sécheresse, l’exiguïté du son, defauts qui le rendent en général peu propre à exprimer les émotions de l’ame et les grands effets de la musique. On n’y peut parvenir qu’en doigtant de manière à soutenir ensemble le plus longtems qu’on le pourra les notes formant une harmonie régulière, ou seulement agréable à l’oreille, afin d’augmenter par la réunion de plusieurs vibrations le volume de son du Piano. L’experience prouve que par cette méthode, non seulement on peut quadrupler la masse du son, mais encore améliorer sa qualité de toute la différence qu’il y a entre un son obtenu par la seule action du marteau et un son prolongé par la durée des vibrations et par la pression de la touche. L’exiguité du son vient de ce que les touches ne sont pas senties mais frappées. Les doigts, alors, sont privés d’un sens qui agit réellement sur la touche. La grande quantité de son, dépend donc de l’art avec lequel on sait, par un bon doigté, soutenir la note, soit en la pressant fortement après qu’elle a résonné pour en prolonger la vibration, soit en s’étendant moëlleusement sur une succession de notes sans les quitter ; ce procédé est un des secrets de la grande exécution, et il est vrai de dire que le Piano joué ainsi, change absolument de qualité et d’effets.