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LES DEUX CROISIÈRES

joli fumoir tendu de cuir repoussé, où régnait une douce température de thermosiphon ; mes poses pouvaient donc se permettre quelque nonchaloir : aussi, abandonnai-je bientôt mes revues anglaises pour me renverser dans mon fauteuil, à l’américaine.

— Pauvre Reynaud, m’écriai-je en moi-même, être absurde et romanesque ! Des nerfs qui frémissent au moindre effleurement… Une sensibilité maladive que le temps ne parvient pas à émousser !

Je connais Reynaud depuis tantôt vingt-cinq ans. Nous étions déjà voisins sur les bancs de Fontanes ; mais notre amitié ne se noua fortement qu’à notre sortie du lycée. À cette époque, c’était un garçon aimable, esprit généreux mais un peu exalté, dont j’étais en quelque sorte le jeune Mentor. Riche, prodigue, il ne suivait les cours de la Faculté de droit que par dilettantisme tandis que moi,