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LA LIGNE DES HESPÉRIDES

soumets-toi une bonne fois à l’irrémédiable ; je t’assure qu’on trouve la résignation dans le sentiment de l’impossible. Tu l’as volontairement quittée cette belle maîtresse… Elle t’a oublié. Pourrait-elle seulement dénombrer les jeunes hommes qui se sont relayés dans son cœur depuis votre rupture ! Toute son arithmétique n’y viendrait pas à bout. Elle ne te connaît plus. Elle ne se souvient plus. Les femmes, a dit un sage, oublient jusqu’aux faveurs que nous avons reçues d’elles ! Ne m’as-tu pas avoué qu’elle te rencontrait à la ville et dans le monde avec un air de sécurité parfaite, une indifférence sereine, nullement simulée, une indifférence qui vient, non d’un sentiment de hauteur ou de mépris, mais d’une complète faillite de mémoire à ton endroit ! Tu es redevenu un inconnu à ses yeux ou plutôt tu n’es rien « redevenu » puisque « tu n’as jamais été » pour elle. Est-ce cela ?

Il demeurait sans répondre, rencogné.