Page:Courouble - Les Deux Croisières, 1928.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
LES DEUX CROISIÈRES

matelots, assis sur le beaupré, fumait tranquillement sa pipe en balançant ses jambes au-dessus de l’eau. Quand nous passâmes devant lui, il agita tout à coup son béret rubané et nous lui répondîmes par de vibrants vivats. Nous admirions la philosophie de cet homme ; nous sentions profondément le prix d’une hélice. Bientôt la goëlette s’effaça, disparut dans les ombres bleuâtres de l’arrière…

Tous les soirs, aux premières étoiles, le fou faisait miauler son harmonica ; les émigrants chantaient des lieder et j’écoutais en frémissant la voix de la bien-aimée.

La jolie mädchen m’accordait maintenant quelque attention en échange de mes soins discrets. Elle paraissait attendrie d’une constance que son invariable danke schön n’avait pu décourager. Souvent, il me semblait qu’elle allait parler pour épancher son cœur ému ;