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ATLANTIQUE IDYLLE

détachait plus joyeux, plus perlé sur le ronflement des fortes machines, il commençait à faire miauler le vieil accordéon, dont les plaintes, peu à peu, s’élevaient si étranges, si sanglotantes qu’elles poignaient l’âme de tous d’une infinie tristesse.

Et les snobs et les ladies descendaient du haut-pont par la raide échelle de fer pour venir écouter cet Orphée mystérieux, posé sur une nef à vapeur !

Mais après quelques jours de navigation, une fièvre extraordinaire s’empara tout à coup du pauvre artiste. Lui, toujours si tranquille, et dont personne ne connaissait la voix, il parlait maintenant avec force, gesticulait, faisait de grandes enjambées sur le pont comme un témoin qui mesure le terrain. Parfois il allait à l’avant s’accouder sur le beaupré et là, longuement, il regardait l’horizon dans ses mains roulées en forme de lunette.