Page:Courouble - Les Deux Croisières, 1928.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
LES DEUX CROISIÈRES

ritournelle et voilà que nos lamentables passagers entonnent un lied populaire de la vieille Allemagne. C’est un chant doux et plaintif, comme une floraison des mélancolies qu’ils ont couvées tout le jour. Rien de si émouvant.

L’hymne s’éteint sur une note grave. Alors une voix pure, vibrante, s’élance dans la nuit magnifique…

Le cœur me cogne à grands coups dans la poitrine. Doucement, je m’avance vers les chanteurs et découvre enfin la soliste. Elle trône sur des cordages. Je ne distingue pas ses traits, mais je reconnais le châle de pâle laine qui recouvre ses cheveux et dégage dans l’ombre comme une vague lueur.

C’est Elle !

Et j’écoute, frémissant, pénétré d’admiration.

Hélas, la cloche sonne bruyamment la retraite. Neuf heures ! Les émigrants doivent regagner l’entrepont.