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LA LIGNE DES HESPÉRIDES

Déjà Mme de L… s’était assise au piano drapant avec coquetterie les plis de sa longue traîne autour du tabouret. Elle tira un petit mouchoir caché dans son corsage, le froissa un instant dans ses mains pour le déposer ensuite sur une tablette du pupitre.

Soudain, au milieu d’un silence religieux, elle commença la sonate Clair de Lune de Beethoven. Son jeu, lent d’abord, d’une sonorité retenue par la pédale sourde, exhalait toute la voluptueuse mélancolie de ce songe d’une nuit d’été.

Et puis, tout à coup, la virtuose attaqua l’allegro que, peu à peu, sous l’agitation de son cœur irrité, elle emporta dans un mouvement de passion tumultueuse qui déchaîna l’enthousiasme de l’auditoire.

On l’entourait ; enivrés, et comme subitement doués d’un regain d’ardente jeunesse, nos quinquagénaires bondis-